Adaptation, nouveaux matériaux : comment la filière applique la RE2020

Entrée en vigueur en 2022, la RE2020 vise à diminuer progressivement l’impact carbone de la filière construction. Mais la lutte contre le réchauffement climatique passe aussi par l’adaptation des bâtiments au climat futur… Comment la RE2020 prend-elle en compte ces problématiques ? Et comment la filière doit-elle intégrer cette réglementation ? Trois questions à Audrey Bacqueroët, directrice commerciale de Bureau Veritas Construction.

La RE2020 impose des seuils d’émissions de carbone à ne pas dépasser dans les nouvelles constructions, mais dans quelle mesure répond-elle aussi au défi de l’adaptation au changement climatique ?

L’objectif premier de la RE2020 concerne en effet la réduction des émissions. Il n’est plus possible de construire en 2025 les mêmes bâtiments qu’en 2015. C’est pourquoi le texte met en place des exigences progressives jusqu’en 2031, pour laisser aux professionnels le temps d’intégrer ces critères.

Première nouveauté : la prise en compte du « volet carbone ». Son objectif ? Calculer le bilan carbone du chantier (poids carbone des matériaux, transports, etc.) mais aussi l’impact environnemental du bâtiment tout au long de son existence, à travers l’analyse du cycle de vie. Conséquence directe, nos clients se tournent désormais vers de nouveaux matériaux biosourcés (béton bas carbone, béton de chanvre), réemployés ou recyclés. Leur poids carbone moindre permet de rester dans les limites fixées.

Mais la RE2020 prend également en compte les problématiques d’adaptation. Le texte introduit la notion de « confort d’été », autrement dit, la résilience des constructions face à la chaleur. Par exemple, l’installation de brise-soleil sur une façade réduit la température ressentie en intérieur. L’idée est d’utiliser le bâtiment comme un régulateur thermique pour éviter des dépenses trop élevées, comme la climatisation. L’analyse du cycle de vie s’inscrit aussi dans une logique d’adaptation : ce calcul détermine si les bâtiments seront résistants face aux conditions climatiques de demain.

Autre enjeu majeur : les risques de gonflement d’argile (RGA). Ce phénomène n’est pas pris en compte dans la RE2020. Cependant, un arrêté du 21 décembre 2023 impose la délivrance d’une attestation lors du contrôle technique en fin de chantier, dans le cas de construction de maisons individuelles. Une autre dimension incontournable à intégrer !

Dans ce contexte de bouleversement dans la filière, quel rôle joue Bureau Veritas Construction ?

Ces nouvelles obligations imposent d’anticiper les choix de construction et leurs conséquences. Contrairement à d’autres acteurs, le bureau de contrôle est présent tout au long du chantier, de la phase de conception à la livraison. Cette position l’aide à faire le lien entre toutes les parties prenantes.

Dans ce contexte, Bureau Veritas Construction a développé une « mission carbone » pour ses clients. Nous accompagnons la maîtrise d’ouvrage (MOA) dès la phase de conception pour assurer le respect des seuils carbone imposés par la RE2020 à la fin du chantier. Nos équipes détectent chaque écart potentiel pendant les travaux, pour amender le projet selon ces alertes. Bureau Veritas Construction se pose ainsi en garant du respect de la RE2020.

Cela impose de lever quelques obstacles. Pour le moment, les assureurs considèrent encore les matériaux biosourcés ou issus du réemploi comme des techniques non-courantes. Le risque pour le client ? Payer une surprime d’assurance une fois le bâtiment sorti de terre. C’est pourquoi Bureau Veritas Construction déploie une mission d’analyses de risques auprès des maîtres d’ouvrage en lien avec les assureurs. Concrètement, nous faisons le lien avec l’assureur le plus tôt possible, pour lui prouver que les risques sont maîtrisés et éviter ainsi un surcoût au client.

La RE2020 va entraîner des conséquences sur le long terme dans le secteur de la construction. Quelles sont les perspectives ?

Nous constatons un réel besoin de redéfinir le rôle de chacun. Il n’est pas possible de rester dans le schéma du passé. Aujourd’hui, tous les rôles se télescopent. Certaines décisions, comme le choix des matériaux, doivent se prendre en phase de conception, voire dès la phase d’esquisse du projet. Ce qui impose de réunir toutes les parties prenantes le plus tôt possible !

Il faut aussi travailler autour des nouveaux matériaux de construction biosourcés ou réutilisés. La massification et l’industrialisation de ces nouvelles filières s’imposent pour répondre à la demande croissante.

Enfin, de manière générale, les acteurs doivent avoir leur mot à dire et participer aux discussions sur le monde de demain. C’est le cas de Bureau Veritas Construction qui fait partie de plusieurs groupes de réflexion à ce sujet, dont l’organisation « Unisson(s) ». Elle regroupe les architectes et professionnels du bâtiment pour réfléchir à l’architecture du nouveau monde.

L’objectif n’est pas seulement de répondre à une nouvelle réglementation. Mais de contribuer à faire bouger les lignes, pour répondre ensemble aux défis climatiques de demain !

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